Cette partie comprend des chants relatifs qui parle de Interrogations sur la vie et rappel de l’au delà, La puissance divine, Vœux exprimés au nom de la fiancée, Prières soulignant la bénédiction divine et celle du prophète,L’immigration …
Chants « asnimmer » d’ Ait Bouguemmez traduits par Aicha Aitberri, Ouafae Nciri et Mohamed Bahi.Ocadd: Toute reproduction intégrale ou partielle de la présente publication ( chants, textes) est interdite sans l’autorisation préalable de l’association Ocadd
Ce sont des chants variés empreints d’une certaine spiritualité. Ce sont des prières, incantations, des interrogations sur la vie et l’au-delà
Ô chamelles jamais rebutées par le voyage !
Que l’une d’entre vous nous accompagne en pèlerinage !
Moi, étranger dans ce monde
J’ignore de qui je suis aimé, de qui je suis mal aimé.
Dans cette vie, nous ne sommes que les hôtes d’une nuit
Qui se lèvent de bon matin pour s’en aller au loin.
De la source, chacun de nous a puisé sa portion d’eau ;
Seule l’outre du malhonnête s’est percée et son eau s’est déversée.
Ô femmes, évitez les médisances, de ragots ne faites pas votre pitance !
A Dieu, vous devez crainte et obéissance.
Comme il est facile, ici bas, de jouir sans s’inquiéter !
C’est dans cet au- delà énigmatique que se paie la dette.
Ces chants évoquent les déceptions, après invocation du prophète comme prélude
- Invoquons le nom du saint prophète ;
- C’est par lui que toute parole prononcée deviendra miel et douceur.
- Il fut un temps où je me préparais pour une bonne moisson,
- Ignorant que mon compagnon était déjà dans la trahison.
- Fragile, est la demeure bâtie avec mon compagnon
- Parce que de roseaux, sont faites ses fondations.
- Sur le dos de la main tu me portes ; alors que moi, dans mon cœur je te porte,
- Précaire est notre union condamnée à la perte .
- Que Dieu exauce les vœux de chacun de nous
- Beauté et bénédiction sont le lot des bénis
- Malheur et disgrâce sont le lot des maudits.
C’est la puissance divine et la faiblesse de l’être humain qui sont soulignées dans ces chants
Par la grâce de Dieu, tous mes problèmes peuvent être résolus
Car, invincible, rien ne lui est impossible.
C’est ta bénédiction que j’implore Seigneur,
Toi qui as fait que, dans l’eau, le poisson puisse vivre heureux.
Moi, je n’ai plus la force d’aller vers les autres
Que ceux qui me chérissent viennent à ma rencontre.
Les chanteuses se font les interprètes de la mariée en exprimant ses vœux.
Que ma destinée soit semblable à la source intarissable !
Ô Saint Ali, je viens vers toi, j’implore ta baraka !
Donne-moi une couverture ; j’en ai besoin pour réchauffer mes enfants
Que le fiancé soit tendre et attentionné, tel le vent doux pour les vanneurs :
Ce vent qui les aide à séparer le grain de l’ivraie
Dans les chants suivants, les éléments naturels sont évoqués comme des comparants pour décrire et/ou souligner certains traits de caractère.
Par Dieu, étoile, dans le ciel, tu brilles de mille feux !
Mais la lune te dépasse quand elle dévoile sa face.
Palmier, c’est au milieu des rochers que tu as poussés
Et j’ai pu t’apercevoir car, vers le ciel, tu t’es élancé.
Source, dis-moi, je t’en supplie
As-tu abreuvé un cavalier passant par ici ?
Ô olivier ! À l’oiseau, réfugié entre tes branches, tu refuses assistance ;
D’un coup, l’épervier s’en empare sans aucune résistance
La mariée entre dans la demeure maritale. Près qu’on a invité la mariée à s’installer, on interpelle le mari.
- Paix sur le prophète ; paix sur vous mes frères
- La lune nous envoie sa lumière :
- Ceux qui sont aimés de Dieu, elle éclaire.
- Ceux qui sont maudits ont tout à perdre.
- Sans la grâce du prophète, le soleil aurait asséché les mers, aurait raison de l’univers.
- Sans la bénédiction du prophète, comment le blé peut-il germer sur une côte raide?
- Comment peut-il verdoyer et mûrir ?
- L’au-delà et la vie ici-bas sont pareils au blé dans les champs :
- La faucille ne peut passer que là où est déjà passée la charrue.
- Ceux qui n’ont rien semé dans ce monde, n’ont rien à récolter dans l’autre monde.
Ces chants s’articulent autour du thème du départ . La première partie est une sorte de dialogue entre une personne qui aimerait partir sur la lune et un charpentier. La seconde partie souligne les désagréments des émigrés.
- Ô charpentier ! Peux-tu me fabriquer une échelle ?
- Une échelle pour atteindre la lune ?
- Mais la lune est inaccessible à une échelle de charpentier
- Et les chemins qui y conduisent sont interdits aux conducteurs.
- Vous qui rêvez d’atteindre la lune à pied,
- Adressez-vous aux Russes pour avoir une fusée !
- L’émigration en France est persécution
- Elle condamne au célibat
- Et à la vie dure sont exposés les exilés ;
- Et amer est le goût des richesses amassées.
Cette partie comprend deux poèmes :
Le premier est une jeune femme qui se rebiffe contre sa belle famille et qui énumère les souffrances qu’elle a endurées chez elle. Elle évoque aussi un bonheur en perspective qu’elle a trouvé ailleurs.
Le second souligne un défaut qui n’est pas toléré chez la femme dans ces sociétés traditionnelles à savoir la paresse et l’incapacité d’assumer les tâches imparties à la femme.
A- la famille Ait Boudaoud
- Écoutez, famille Ait Boudaoud, bande de fainéants !
- Écoute- moi bien, mari persécuteur !
- Je ne veux plus vivre parmi vous.
- Quand bien même aux entraves, vous m’auriez condamnée ;
- Quand bien même le loup attaquerait vos brebis,
- Je ne lèverais pas le petit doigt pour les délivrer .
- La faim sévit dans votre demeure ;
- Mes mains malmenées, sont brûlées par votre couscoussier ;
- Mes pieds nus, sont écorchés par vos rochers ;
- La souffrance et le dépit ont miné mon cœur.
- Ô ma mère ! Ne te fais plus de souci pour moi !
- Ce dont je rêvais, je l’ai trouvé.
- Celui-là m’a promis une somptueuse table de Fès;
- Il m’a promis des colliers de perles vraies ;
- Il m’a promis tant de bijoux et merveilles
- Il m’a promis une chamelle et son chamelon ;Et toi Touda Daoud, espèce de poule chétive
- C’est toi qui nous as privés de poussins !
- Famille AIT Boudaoud, bande de fainéants !
B- la belle paresseuse
- Ô ma mère ! Près d’une source, j’ai trouvé une gazelle
- Elle ne sait ni carder la laine, ni garder le troupeau.
- Elle passe son temps à se lisser la frange, à se faire belle.
- Ne mérite-t-elle pas une belle correction ?
- Ne mérite-t-elle pas d’être harnachée ?
- D’être trainée partout jour et nuit ?
Dans le rituel du mariage, en cortège de femmes, après la nuit de noces, la jeune femme doit effectuer une visite à la source où elle va puiser l’eau, symbole de vie, de fertilité et d’opulence. Elle lui apporte des offrandes.
- Paix sur le prophète, paix sur vous mes amis
- Ô mes frères, sur mon chemin , j’en ai rencontré une
- Elle me paraissait, abattue, bouleversée.
- Emu par son sort, je lui ai demandé ce qu’elle avait sur le cœur
- Elle m’a répondu sans détour :
- En Hollande, mon mari est parti travailler
- Et sur cette terre, esseulée, je suis restée.
- A présent, J’en ai assez de cette absurdité.
- Je passe mon temps à guetter ses appels,
- A tenter de le joindre dans son périple perpétuel.
- Même quand il rentre pour les vacances,
- C’est ailleurs, à Casa, Marrakech ou Agadir qu’il les passe.
- Même s’il me ramène cadeaux et soieries,
- Il est ridicule avec sa coiffure de clochard,
- Affublé dans son costume de notable.
- Je conseille aux jeunes filles célibataires
- De ne pas prendre les émigrés comme partenaires.
- Celles qui s’y sont déjà engagées,
- Qu’elles leur revoient leurs cadeaux piégés !
- C’est dans sa lettre, envoyée de Marrakech,
- Qu’il m’a annoncé la bonne nouvelle :
- Il me ramènera une bague bien belle.