“Son maître étant allé chercher de la nourriture, une chatte restée seule s'ennuie. Pour faire part de son mécontentement elle renverse la nourriture présente dans la cabane. Son maître en colère lui coupe la queue. La chatte va faire son possible pour la récupérer et ainsi comprendre la difficulté de trouver de la nourriture.”
Tarik Hbid
La chatte imprudenteIl était une fois un jeune homme du nom d’Hamidi qui habitait une toute petite cabane dans un village, très haut perché dans la montagne. Il vivait seul et sa seule compagnie était une jolie petite chatte. Dès que le soleil se levait, il se rendait dans la grande forêt et là il cherchait de quoi vivoter mais surtout de quoi nourrir la petite chatte. Il ne revenait qu’une fois le soleil couché. La chatte enfermée toute la journée trouvait le temps long et l’ennui commençait à la gagner. Il n’y avait plus depuis longtemps une souris, un scarabée, ou une mouche à chasser. Ce jour-là elle trouva un autre jeu. Elle monta sur la table et avec sa patte fit tomber l’assiette où il y avait le repas de son maitre, elle renversa la jarre de lait de son maitre et se régala avec ce qu’elle avait renversé. Puis satisfaite, se lécha les babines, les pattes et attendit son maitre.
Ce jour-là, Hamidi rentra de la forêt et dans sa musette il n’avait rien à se mettre sous la dent. Mais se disait-t-il, j’ai un petit repas qui m’attend chez moi.
Quand il ouvrit la porte, qu’il vit toute sa vaisselle cassée et son repas par terre, il fut pris d’une terrible colère.
– Maudit chat ! Je me fatigue pour te trouver à manger et toi tu souilles ma seule nourriture de la journée ! Tu vas voir ce que tu vas voir.
Il attrapa la chatte, se saisit d’un petit couteau et là… couic ! D’un petit coup il lui coupa le bout de la queue et l’accrocha sur un mur. Et toujours furieux il lui dit :
– Tu peux pleurer jour et nuit, verser un lac de larmes ! Je ne te rendrai ta queue que si tu remplis de nouveau ma jarre de lait.
Dès le lendemain la chatte se réveilla tôt et se mit en chemin. Elle traversa la grande forêt, arriva dans une grande prairie et vit une vache, elle lui chanta :
– La vache, la vache, la vache, donne-moi du bon lait, pour remplir la jarre que j’ai, la jarre que j’ai renversée, et récupérer ma queue, que mon maitre a coupée.
– Je veux bien t’aider !, lui dit la vache mais moi pour donner du lait, il me faut de l’herbe !
Elle courut trouver une prairie.
– Prairie, prairie, prairie donne-moi de l’herbe, que je donnerai à la vache, qui me donnera du bon lait, pour remplir la jarre que j’ai, la jarre que j’ai renversée, et récupérer ma queue que mon maitre a coupée.
– Je suis toute assoiffée, toute desséchée, trouve moi de l’eau et je donnerai de la bonne herbe.
La chatte trouva un petit ruisseau et lui chanta :
– Ruisseau, ruisseau, ruisseau donne moi de la bonne eau, que je donnerai à la prairie, qui me donnera de l’herbe, que je donnerai à la vache, qui me donnera du bon lait, pour remplir la jarre que j’ai, la jarre que j’ai renversée, et récupérer ma queue, que mon maitre a coupée.
– Je ne suis qu’un petit ruisseau, il faudrait que la grande rivière me donne un peu de son eau.
La chatte trouva la rivière et lui chanta :
– Rivière, rivière, rivière donne-moi de ton eau, que je donnerai au ruisseau, qui me donnera de l’eau, que je donnerai à la prairie, qui me donnera de l’herbe, que je donnerai à la vache, qui me donnera du bon lait, pour remplir la jarre que j’ai, la jarre que j’ai renversée, et récupérer ma queue, que mon maitre a coupée.
– Le ciel ne donnera plus de pluie et la rosée du matin n’y suffira pas, je ne suis qu’un mince filet qui coule dans son lit. Seule la montagne pourrait m’offrir un peu de neige.
La petite chatte grimpa, grimpa, jusqu’au sommet tout blanc de la montagne. Elle avait si froid et de sa petite voix elle susurra :
– Montagne, montagne, montagne, donne-moi un peu de neige, que je donnerai à la rivière, qui me donnera de son eau, que je donnerai au ruisseau, qui me donnera de l’eau, que je donnerai à la prairie, qui me donnera de l’herbe, que je donnerai à la vache, qui me donnera du bon lait, pour remplir la jarre que j’ai, la jarre que j’ai renversée, et récupérer ma queue, que mon maitre a coupée.
– Je suis désolée, lui dit la montagne, je dois garder ma glace jusqu’à l’été, descend et attend que le soleil soit ardent.
La chatte descendit, le cœur gros. Voilà… se dit-elle. Ma grosse bêtise a de graves conséquences : je suis une chatte sans queue, qui n’ose plus se montrer, de peur d’être moquée. J’ai faim ! Hamidi mon maitre a eu raison d’être furieux ! Ça fait mal d’avoir faim. La prochaine fois j’y regarderai à deux fois avant de faire des bêtises.
La chatte était très triste. Elle s’allongea, s’enroulant sur elle-même et attendit que la montagne daigne laisser fondre la neige.
Les semaines passèrent, les lunes passèrent, les saisons passèrent. Un beau matin la chatte entendit le doux bruit de l’eau, la neige était en train de fondre, elle remercia la montagne. La rivière se remplit et donna de l’eau au ruisseau qui irrigua la prairie pour donner de l’herbe tendre à la vache qui, satisfaite, donna du bon lait. Enfin ! La chatte remplit la jarre qu’elle avait renversée.
Elle revint chez son maitre Hamidi. Il était heureux de revoir sa compagne. Elle sauta dans ses bras et ronronna. Hamidi la serra contre son cœur et lui recolla la queue.
Devant sa porte il trouva la jarre pleine de lait. Et la vie redevint comme avant.
Mon conte est parti, le vent l’a emmené, un jour il reviendra.