Deux associés, le loup et le hérisson, travaillent la terre ensemble. Le hérisson ruse pour se faire dispenser des travaux et pour s'emparer de l'ensemble de la récolte.
Aicha Ait Berri
Le loup et le hérissonCette histoire se passe il y a très longtemps, du temps où le chat jouait avec la souris et le soleil avec la lune.
En ce temps-là, le loup et Boumghar le hérisson étaient de très bons amis. Ils avaient décidé de travailler la terre ensemble et de partager la récolte de ce champ au grain de blé près.
Un champ ce n’est pas grand pour un loup, mais pour un hérisson, c’est grand comme un océan.
Après le premier jour des labours, Boumghar, le plus malin de tous les animaux, était si harassé par ce travail qu’il se dit qu’il allait mourir épuisé.
De retour chez lui, fatigué, il réfléchit.
– Un loup, se dit-il, travaille sans fatigue au moins cent fois plus qu’un hérisson. Donc il va s’occuper tout seul de notre champ !
Et durant la nuit, le rusé hérisson réfléchit à un stratagème.
Le lendemain matin, il grimpa au sommet de la falaise qui surplombait leur champ. Là vivaient des perdrix. Il leur dit :
– Perdrix, perdrix, jolies perdrix, si vous me voyez danser, n’hésitez pas à jeter des pierres sur le loup ! Mais si vous me voyez contre la falaise, cessez aussitôt ! En échange je vous donnerai un sac plein de blé.
Une fois dans le champ, le hérisson se mit à danser et une pluie de cailloux s’abattit sur le loup. Il cria effrayé :
– Aïe, ouille, ouille, aïe, aïe, aïe! Nous allons tous mourir, il faut nous enfuir tout de suite ! La falaise nous tombe dessus et la terre va s’ouvrir !
Le hérisson s’arrêta de danser et les perdrix ne jetèrent plus aucun caillou.
– Arrête de claquer des dents Loup ! Ce n’est rien, je vais arranger ce problème. Tu ne me connais pas, grâce à ma force phénoménale, je vais soutenir cette falaise.
Abasourdi, le loup n’en croyait pas ses oreilles.
Le hérisson, malicieux, se cala contre la falaise et les cailloux cessèrent de rouler. Le loup, tout ébahi, n’en croyait pas ses yeux.
– Pendant que je la retiens, dépêche-toi de labourer notre terre !
Encore tout étonné, il mit toute son ardeur à retourner le champ. Quand il fut très fatigué, il demanda au hérisson de venir pousser la charrue. Suspicieux, il se disait que si un hérisson pouvait soutenir une falaise, pourquoi pas lui. Peut-être que son ami est un prétentieux.
– Pas de problème ! Je te laisse volontiers ma place car ce travail est vraiment très épuisant !, lui dit Boumghar.
Le loup prit la place du hérisson. Boumghar, derrière la charrue, se mit à danser. À peine le loup eut calé son dos contre la falaise qu’à nouveau une pluie de pierres s’abattit dans un fracas assourdissant.
– Allez le loup, pousse plus fort ! Plus fort encore !, hurla le hérisson dansant.
Le loup avait beau y mettre tout son cœur et toutes ses forces, cela ne changeait rien. Les chutes de pierres ne cessaient pas. Le loup, tout haletant et tout transpirant, se rendit à la raison. Il n’était pas aussi fort que Boumghar pour empêcher cette falaise de s’écrouler. Il préférait encore labourer. Il appela son ami à la rescousse.
– Reprends vite ta place, moi je ne m’occuperai plus que du champ ! Mais avant de reprendre le travail, révèle-moi le secret de ta force phénoménale.
– Ma force est un don de Dieu. Je suis sous la protection de tous les saints.
– Mais que faut-il que je fasse pour être comme toi ?
– Pour être comme moi, c’est très facile : tu dois toujours aider ton prochain ainsi que ceux qui sont dans le besoin.
– C’est tout ?
– Non. Tu dois avoir le cœur sur la main et garder les secrets que l’on te confie. As-tu compris maintenant ?
– Oui, oui ! dit le loup. J’ai enfin tout compris.
Mais il n’avait rien compris.
Et c’est ainsi que le loup retourna toute la terre. Il ratissa le champ, puis il sema le blé.
Et tous deux n’avaient plus qu’à attendre que la pluie passe et que le blé se mette à pousser.
Quand arriva le moment de partager la récolte, le rusé Boumghar se souvint de la promesse faite aux perdrix. Ce matin-là, il vint au rendez-vous avec un couffin qui semblait lourd. Il dit au loup qu’il désirait prendre la moitié de la récolte plus un sac, sous prétexte que son travail était bien plus épuisant et bien plus dangereux que celui du loup.
– Pas question !, lui dit le loup, nos tâches étaient équitables. J’ai bien travaillé notre champ et toi tu as empêché la falaise de s’écrouler. Voilà chacun sa spécialité.
Ils discutèrent, négocièrent âprement. Après moult tractations, Boumghar, fatigué, lui dit:
– D’accord, d’accord, on va faire moitié-moitié et partager équitablement. Scellons notre accord de cette manière. Tu répèteras ces paroles après moi et tu donneras un grand coup de pied dans ce couffin.
– Par le coup de pied dans le sac, je prends ma part tout en vrac.
– Par le coup de pied dans le sac, je prends ma part tout en vrac.
Joignant la parole au geste, le loup donna un grand coup de pieds dans le couffin. Aussitôt surgit un énorme chien qui bondit à ses trousses. Le loup ne demanda pas son reste et plus vite que son ombre, il disparut.
Boumghar le rusé profita de toute la récolte. Il n’oublia pas sa promesse. Il ramena un sac de blé aux perdrix.
Celles-ci l’ont picoré et mon histoire avec. Elle a fini dans un gosier !